L’auteur Amélie Nothomb reçoit un jour une lettre d’un soldat américain depuis le front de Bagdad. Une correspondance va alors démarrer…mais celle-ci va s’avérer étrange car ce soldat est obèse et cherche un curieux réconfort auprès de cet auteur qu’il apprécie. Tout va alors rapidement tourner non plus autour de la guerre mais de l’obésité et le traitement du corps.
Sous l’intitulé « roman », l’auteur se met elle-même en scène dans cette fiction qui semble souvent frôler l’autobiographie. Le genre peut donc être troublant au départ. L’écriture n’est pas non plus uniquement une correspondance. En effet, lettres et narration s’alternent. Cette dernière est faite à la première personne et permet ainsi à l’auteur-narrateur de faire des commentaires sur l’évolution de la correspondance.
Plus que la relation entre les deux personnages, je trouve que le corps occupe une place prépondérante. Le concept de cette oeuvre est intrigant : traiter le rapport du corps, de l’obésité à travers une correspondance d’un soldat avec un écrivain… Nous retrouvons ici l’esprit original et parfois tortueux d’Amélie Nothomb. Ce récit évoque une étonnante représentation concrète et physique du remord. Cela m’a rappeler une autre oeuvre du même auteur, Hygiène de l’assassin où était également traité le rapport particulier avec le corps et l’obésité.
La lecture demeure alors assez captivante car le lecteur se demande vraiment où va mener cette correspondance. En revanche, la fin m’a un peu déçue : l’issue me semble un peu facile et attendue. Je m’attendais à un dénouement plus original. Mais l’oeuvre n’en demeure pas moins intéressante et donne même envie d’écrire à l’auteur…
Un petit extrait :
Ce matin-là, je reçus une lettre d’un genre nouveau :
Chère Amélie Nothomb,
Je suis soldat de 2e classe dans l’armée américaine, mon nom est Melvin Mapple, vous pouvez m’appeler Mel. Je suis posté à Bagdad depuis le début de cette fichue guerre, il y a plus de six ans. Je vous écris parce que je souffre comme un chien.J’ai besoin d’un peu de compréhension et vous, vous me comprendrez, je le sais.
Répondez-moi. J’espère vous lire bientôt.
Melvin Mapple
Bagdad, le 18/12/2008
Je crus d’abord à un canular.A supposer que ce Melvin Mapple existe, avait-il le droit de m’écrire de teles choses ? N’y avait-il pas une censure militaire qui n’eût jamais laissé passer le « fucking » devant « war » ? J’examinai le courrier. Si c’était un faux, l’exécution en était remarquable.[…] Quand je ne doutais plus de l’authenticité de la missive, je fus frappée par la dimension la plus incroyable d’un tel message : s’il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’un soldat américain vivant de l’intérieur cette guerre depuis le début « souffre comme un chien », il était hallucinant qu’il me l’écrive à moi.