« Le baiser papillon » Colette Guedj

L’auteure a été mon professeur à l’université de Nice. J’avais acheté son livre alors que j’étais encore son étudiante. Mais à cause de cette proximité, je n’ai pas pu le lire tout de suite. En effet, elle raconte la disparition de sa fille, trop jeune pour partir, atteinte du SIDA.  Après un accident de la circulation, la jeune fille fut amenée à l’hôpital et là, l’espoir réside dans ces poches de sang salvatrices…Ce sont elles qui apporteront le poison. Muriel mourra huit années plus tard, la veille de ses 27 ans.

Contre toute attente, ce récit maternel n’est en rien larmoyant. Il est plein de vie, d’amour et parfois même de gaieté. Tout cela est transmis par cette mère voulant à tous prix rattraper l’image, le corps, l’âme de sa fille perdue.

Dès le début, l’auteur s’adresse à sa fille. Une communication simple et directe. Elle lui parle, se souvient…des moments de vie, de souffrance et de mort. Cette mort qu’elle essaie de transformer en une sorte de clé, de passage…car comment survivre à un tel drame ? Un récit au gré des souvenirs, des aléas de la mémoire, des émotions. Si on ne pleure pas, on est nécessairement ému par la volonté et le courage de cette mère mais aussi de Muriel. Elles semblent tant se ressembler et peut-être encore davantage face à cette funeste destinée. Cette jeune fille qui, même malade, continuera ses études, en entamera d’autres. Qui, fiévreuse, ne voulait pas « louper un cours important »… Car à travers les mots de mère, c’est la fille qui apparaît : jeune, drôle, insouciante, affectueuse, amoureuse, courageuse… Et l’absurdité du destin nous saute alors aux yeux.

Tout cela évidemment dans un style si léger, si simple et spontané et pourtant parfois violent que je l’ai lu quasiment d’une traite, ne pouvant lâcher le livre un trop long moment. Comme une confidence que l’on écoute sans rien dire.

« Mais il y avait aussi ces moments très doux où je te regardais dormir et où tu étais à la merci de mon insatiable besoin de me nourrir de toi : je te dévorais des yeux, incapable de m’arracher à la contemplation de ton corps qui semblait plus vulnérable encore d’être ainsi posé entre les plis du drap où il nageait un peu. Et je me pénétrais de toi comme s’il me fallait apprendre par cœur, les intégrer en moi, ces infimes et infinis détails qui n’appartenaient qu’à toi, comme cette façon que tu avais de dormir les yeux mi-clos, ou d’enrouler ton bras autour de ta nuque en rabattant un peu le drap. »

« Longtemps tu as eu cette particularité unique de naviguer entre deux tailles, tantôt tu faisais approximativement du 38, tantôt un bon 44, et de plus non normalisées […] Ça t’embêtait, en tous cas, de devoir souvent racheter des affaires qui ne t’allaient plus quelques mois après, parfois il suffisait même de quelques semaines pour que ton corps se transforme, pour qu’il enfle ou désenfle comme un accordéon. […] Alors un jour, jugeant ces errances vestimentaires plutôt stériles, tu as pris une grande décision, et c’était tellement toi, tenace, courageuse, ne reculant devant aucune difficulté. Tu as annoncé : « Je vais apprendre à coudre, cela nous évitera ces pertes de temps dans les magasins où, de toute façon, je n’arrive jamais à trouver ce qui me va. » Et immédiatement, tu t’es mise à prendre des cours de couture, puis tu t’es acheté une machine, puis tu t’es confectionné toute seule tes vêtements. »

J’appréhendais un peu de me lancer dans cette lecture à priori sombre mais maintenant, celle-ci m’apparaît comme un léger souffle en suspens.

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